Il n’y a rien de plus permanent que le changement…
Voilà un titre qui plagie le philosophe grec du 4ème siècle avant J.C., Héraclite d’Ephèse : Il aurait dit : Rien n’est permanent sauf le changement ». C’est une remarque à laquelle nous pouvons probablement nous rallier que nous soyons « soixantenaires » ou avec un ¾ de siècle ou plus dans notre besace.
On dit que l’humeur du philosophe aurait été mélancolique. Est-ce dans ce registre que doit s’exprimer notre réflexion car nous constatons que bien sûr tout change mais ce qui est encore plus partant, c’est que cela change à la vitesse GV ?
Parfois, quand l’on fait simplement mémoire du parcours de notre propre vie et de ses adaptations successives, on déclanche chez les beaucoup plus jeunes de l’étonnement. Imaginez : des trains dont la troisième classe avait des bancs en bois, du lait cherché chez le laitier avec un bidon, des socques pendant la guerre, nos papas en gris-vert et sac militaire en peau de vache et nos mamans en indéfrisable, les classes séparées garçons-filles, pour les filles les premiers bas nylon à 15 ans et plus et l’apprentissage du ravaudage et des reprises, pour les garçons plus de géométrie et de calculs, la dactylo plutôt pour les filles, certains apprentissages que pour les garçons, les longues études faut voir….« Tu aurais vécu au temps des dinosaures que tu ne dégagerais pas autant d’ahurissement chez ton interlocuteur ».
Même, parfois, si entre amis de votre âge, vous rappelez certains événements particuliers, comme la généralisation de l’adduction d’eau dans certains villages isolés dans la fin des années 50, le petit chalet à la montagne, parfois mayen pour y amener les vaches avant de devenir plus tardivement la fameuse résidence secondaire quand on s’est établi en plaine pour cause de travail, les longues marches à pied par manque de réseaux routiers carrossables ou de moyens de locomotion, et que vous ajoutez en plus que c’est vraiment nous qui avons vécu cela et qu’au fond, on n’était pas malheureux, on risque d’être catalogué comme nostalgique ou passéiste invétéré.
Et pourtant tout change et nous avons su nous y faire. C’est dans ce sens qu’il est bon de se souvenir que nous avons parcouru un long chemin avec ce que nous étions, parfois en râlant, parfois en peinant, mais le plus souvent avec un hardi courage ou un sens de l’adaptation inné à ce que la vie et l’évolution du monde et des techniques nous proposait. Il a fallu parfois faire des sauts périlleux ou apprendre à rebondir et adapter sa vie personnelle à ce que le monde du travail attendait et à ce que la vaste ouverture au reste de la planète nous permettait de réaliser.
Nous, les dits seniors, sommes pour la plupart des preuves de la magnifique capacité qu’à l’homme de réussir à intégrer au cours de son existence personnelle des savoirs nouveaux et des comportements différents. Cela devrait développer chez ceux d’entre nous qui craignent, pour les générations qui nous suivent, que le prix de l’adaptation ne se révèle très élevé, et que… et que.. les temps seront durs…, oui cela devrait développer la certitude que chaque génération saura, comme celle qui l’a précédée, faire face, aller de l’avant en y mettant le prix, bien sûr.
Si par hasard nous avons besoin de nous replonger dans un travail de mémoire pour nous « re-conforter », il y a actuellement des moyens intéressants à disposition.
Je pense à la superbe exposition thématique des Musées cantonaux intitulée « Impermanence : le Valais en mouvement » qui brosse un magnifique tableau de ce qui a changé, bougé dans notre Vieux Pays depuis tant de siècles (« des temps géologiques au 22 ème siècle » selon le texte de présentation) et en a fait cette terre que nous aimons à la fois immuable et ultra-connectée. A voir jusqu’au 3 janvier 2016.
Un autre exploit : le colloque qui vient d’avoir lieu ces 18-19-20 novembre à l’Institut Kurt Bosch et qui traite de « L’enfant en Valais de 1815 à 2015 ». Voilà un bon moyen d’interroger ce qui s’est progressivement modifié dans notre environnement en quelques générations.
« L’enfant est un révélateur de la société et de son évolution. Aborder ce thème, c’est ouvrir tout grand la boîte aux trésors » * écrit Jean-Henry Papilloud, chef d’un projet qui est considéré comme l’un des 13 projets-étoiles et marque la cloture des manifestations célébrant le bicentenaire de l’entrée du Valais dans la Confédération. Les Annales Valaisannes publieront les actes des contributions pluridisciplinaires de cette recherche et ce sera un régal pour qui tient à examiner l’Aujourd’hui à l’éclairage du Passé avec un coup de projecteur sur l’Avenir.
Décidément, rien n’est plus permanent que le changement…
* cf : p 4 Résonnances Mensuel de l ‘Ecole valaisanne no 3 Novembre 2015
Evelyne Gard