Qui se souvient de l’existence de la Gare à chars près du hameau de Fang?
J’ai retrouvé, avec plaisir, des documents racontant l’histoire pas banale de cette route incroyable ! Route qui va actuellement de Sierre jusqu’aux villages les plus reculés du Val d’Anniviers. Autrefois, et jusqu’en 1850, cette route muletière s’arrêtait à mi-chemin au milieu de cette belle vallée.
Et à Chandolin, le village le plus haut perché, on construit le « GRAND HOTEL, » qui attire les premiers touristes. Ce bâtiment imposant est réalisé alors que l’accès n’est possible qu’à pieds ou à dos de mulets !
Quelques chemins permettent aux transhumants de Sierre et de tous les villages alentour, de rejoindre leur quartier d’altitude, leurs mayens…
A l’époque, toute la famille se déplace deux fois par année de la plaine à la montagne. Les bébés sont bien emmaillotés et attachés sur le char, avec tout le nécessaire pour la famille. Le bétail suit, les enfants plus grands s’en occupent.
C’est une image fascinante que ces villages entiers qui partent au petit matin, ces Anniviards qui marchent toute la journée sans se plaindre, en invoquant le ciel pour arriver avant la nuit….
Jusqu’en 1868, la petite route n’allait pas au-delà de la petite gare à chars du village de Fang niché au creux de la vallée. Une route dangereuse, il fallait être attentifs et courageux…
Depuis là, des sentiers, des chemins permettent aux transhumants de rejoindre à partir de Vissoie le chalet ou le mayen à pied et à dos de mulets… Bien sûr, chaque quartier de Sierre et environs avait son village propre dans la Vallée, On ne se mélangeait pas !
Il y a du personnel à la Gare à chars pour accompagner les touristes jusqu’au GRAND HOTEL de Chandolin ! Le chemin est très pentu et étroit, j’imagine l’émotion des clients découvrant ce paysage incroyable et si escarpé….
Pour les Anniviards, cet engouement des clients étrangers pour ces paysages est une manne bienvenue. Ce sont de nobles anglais pour la plupart. Ils pleurent presque devant la beauté des montagnes, les cimes enneigées sont pour eux, un spectacle grandiose. Ils gravissent certains sommets avec du matériel encore inconnu chez nous…
Ils sont équipés haut de gamme, des vêtements Britishs avec poches plaquées, des chaussures bien cirées, et des jumelles, etc…
Un village à deux milles mètres, avec vue sur les sommets et sur le Cervin est pour eux le chic nec plus ultra…
Un anglais projette même de construire un phare sur le Weisshorn ! tant la place lui paraît rêvée… mais le projet a été abandonné…
Je reviens à la Gare à Chars de Fang. Elle est faite de deux bâtisses en pierre et bois, plusieurs chars peuvent y être rangés. Il en reste une…. il paraît ?
Combien d’histoires pourrait-elle raconter ! Toutes ces familles qui font l’aller et le retour deux fois par année pour y amener leurs bêtes à la montagne où l’herbe est meilleure, et la fraîcheur agréable. Ils redescendent juste pour travailler la vigne, creuser les pommes de terre et s’occuper des jardins.
Le régent, le Curé, tout le village se retrouve en altitude… et la vie continuait…
Le caractère trempé des gens d’Anniviers provient de peuples divers, des Celtes, des Teutons, des Arabes, des Mongols…Ils ont la ruse, l’endurance, la force, la générosité, la ténacité, l’esprit moqueur, cela est un cocktail de tous ces envahisseurs dont le sang coule encore dans les veines des valaisans.
Les gares monumentales d’aujourd’hui sont souvent des œuvres d’art !
Mais la petite gare à chars de Fang me fait encore rêver.
Micheline Bourguinet.